
Xinjiang, les ouïghours martyrisés, sinisés et folkorisés
La plus grande région de Chine, le Xinjiang, a fait parler d'elle ces dernières années. En cause le traitement réservé par les autorités chinoises au peuple autochtone : les Ouïghours. Implantation massive de Hans, l'ethnie principale de Chine, fermeture des mosquées et restrictions des pratiques religieuses, camps de travail et de rééducation politique. Cette assimilation forcée se poursuit à travers la transformation des villes et villages en parc d'attraction pour touristes. Une folklorisation en marche qu'Emmanuel Serna nous dévoile en exclusivité.
25 janvier 2024
Emmanuel Serna
Xinjiang, le nouvel eldorado des touristes chinois.
J'ai réalisé ce reportage dans le cadre d'un projet personnel en cours "Folklores" qui tente de montrer comment la Chine, au nom de l'unité nationale, de la modernisation et de la sauvegarde des spécificités culturelles, a réduit ses minorités ethniques uniquement à leur folklore; en transformant leurs habitats et leurs paysages en « villes ou villages modèles » ou en construisant des « parcs des nationalités » pour les exhiber aux touristes nationaux en quête d’exotisme.
Après le Tibet, j’ai choisi le Xinjiang où pendant une décennie, le gouvernement chinois s'est attelé à transformer le mode de vie et les traditions des Ouïghours. D'abord par la répression, des centaines de milliers d’entre eux ont été envoyés dans des camps de rééducation. Ensuite par une surveillance continue avec la présence d’innombrables policiers chinois et de points de contrôle omniprésents. Enfin par la transformation des villes selon les normes chinoises. Ainsi de nombreuses villes, dont Kashgar, cité emblématique pour les Ouïghours, ont été systématiquement détruites et reconstruites dans une version aseptisée. C’est ainsi que le centre de Kashgar s'est vu transformé en un véritable paradis pour touristes.
Aujourd'hui Les nombreux policiers chinois ont été remplacé par des touristes, nombreux et chinois eux aussi et les points de contrôles désormais tenus par des Ouïghours, n'existent plus qu'à l'entrée des centres touristiques et sont plus symboliques qu'autre chose. Les touristes se pressent pour visiter les vieilles rues rénovées, agrémentées de boutiques de souvenirs et de cafés modernes, la mosquée vide de croyants ou des ruines conservées en l'état et transformées en marché d'artisanat ouïghour. Ils font également la queue aux stands de nourriture pour goûter les spécialités locales.
Aux quatre coins de la vieille ville ou à dos de chameau, ils se font prendre en photo vêtus de costumes traditionnels ouïghours ornés de paillettes après une longue séance de maquillage dans un des nombreux studios de photo-maquillage-location de costumes qui ont fleuris dans la vieille ville.
En plus de la manne financière qu'il rapporte à l'état chinois, le tourisme est aussi un moyen de changer l'image du Xinjiang, associé à l'oppression des Ouïghours, en montrant une vie normale et ordinaire comme partout ailleurs en Chine.
À la découverte du Xinjiang
Ouighours: Le discours de Raphaël Glucksman au parlementeuropéen
«Le pire crime contre l'humanité du XXIe siècle». C'est le "J'accuse" du député européen envers les dirigeants du Parti communiste chinois. Le 17 décembre 2020, le fondateur du parti Place publique a prononcé un discours devant le parlement européen à Bruxelles au sujet du sort réservé à la communauté musulmane Ouïghoure, dans la province du Xinjiang, en Chine. Il a dénoncé sa «déportation» et son «éradication».

